CE QUE NOUS VOULONS

1 - Eviter le sur-handicap dès le plus jeune âge

D’après les taux de prévalence internationalement reconnus les Troubles Envahissants du Développement (TED) présentent un taux de prévalence de 60 pour 10 000, et le Comité Consultatif National d’Ethique n’exclut pas le taux de 1 %. Sur ce nombre, 50 % environ des personnes avec autisme (peut-être moins) ont un QI inférieur à 70, mais tous présentent des troubles de la communication, de la socialisation et donc des apprentissages qui méritent une intervention précoce.

Il est unanimement reconnu par la communauté scientifique qu'une prise en charge intensive précoce permet une amélioration considérable du pronostic des personnes avec autisme ou atteintes de Troubles Envahissants du Développement (INSERM « troubles mentaux : dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent» pages 400 et suivantes , Paris 2003). Cette intervention intensive précoce doit se faire dès l’âge de deux ans. Le premier problème est donc celui du diagnostic.

1.1 Un diagnostic précoce posé suivant les critères reconnus par la communauté scientifique internationale

La situation actuelle en France :

À l'heure actuelle les enquêtes conduites par Autisme France[enquête sur les adolescents et adultes autistes 2003] montrent que si, en moyenne, les enfants ont un premier diagnostic de trouble du développement à l'âge de trois ans, le diagnostic d'autisme est porté statistiquement trois ans plus tard, c'est-à-dire à l'âge de six ans. Bien évidemment il ne s'agit que de moyennes, mais elles sont très significatives des difficultés d'obtention d'un diagnostic fiable. Au cours de cette période « de latence » de plusieurs années, les enfants (et leurs familles) ne bénéficient le plus souvent que d'une aide très parcellaire, souvent inadaptée, qui fait perdre ainsi au processus d'apprentissage de précieuses années. En particulier les diagnostics de troubles du développement font encore trop souvent référence à des syndromes psychotiques qui entraînent des recommandations d'attitudes passives dans l'attente de l'expression « du désir » par l'enfant. L'utilisation de la Classification Française des troubles mentaux enfants et adolescents (CFTMEA) pose d'importants problèmes car elle s'appuie entre autres sur des définitions ou des intitulés susceptibles de créer une ambiguïté, tels que « psychoses infantiles », « psychoses dysharmoniques » etc..

Autisme France demande

  • La diffusion à l'ensemble des médecins généralistes et des pédiatres d'un document synthétique de dépistage des Troubles Envahissants du développement (aussi appelés TSA, Troubles du Spectre Autistique), basé sur les recommandations diagnostiques sur l’autisme de la Fédération Française de Psychiatrie et la Haute Autorité de Santé (2005) et le rapport de l’INSERM « troubles mentaux : dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent» (décembre 2002)
  •  Que toutes les équipes des CRA (Centres de Ressources Autisme) reçoivent une formation au dépistage et au diagnostic des TED, conformes aux recommandations de laFédération Française de la Psychiatrie en utilisant la CIM10 (F84-0, 1, 2, 3, 5, 8 : troublesenvahissants du développement).
  • La généralisation de l’introduction du questionnaire de dépistage C.H.A.T. (Checklist for Autism in Toddlers) dans les carnets de santé ainsi que la formation à son utilisation.
  • La mise en place d'un système qui permette un repérage et un dépistage précoces au moment de l'entrée en maternelle, en formant les intervenants en médecine scolaire : médecins et infirmiers,et en sensibilisant les enseignants de maternelle aux signes susceptibles d'attirer leur attention.
  • Que l’utilisation de la nomenclature internationale CIM 10 de l'Organisation Mondiale de la Santé soit obligatoire dans les diagnostics.
  • Que les médecins généralistes et spécialistes puissent recevoir dans leur cursus universitaire une formation suffisante sur le dépistage et le diagnostic des TED.

1.2 La prise en charge éducative intensive précoce dès les premiers signes et avant l’âge

de 3 ans :

L'ensemble des études sur les prises en charge éducatives intensives précoces a été examiné

dans le rapport de l’INSERM de février 2003 « troubles mentaux : dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent» (pages 533 et suivantes). Toutes ces études concordent pour indiquer une amélioration très sensible du pronostic pour un nombre très important des enfants qui ont bénéficié de ce type de prise en charge, une augmentation significative des QI, une non-réversibilité des progrès enregistrés, ainsi que la scolarisation en milieu ordinaire d'un nombre d'enfants significativement supérieur à ce qui est observé habituellement chez les enfants atteints du syndrome autistique. Ce rapport ne fait que confirmer les études réalisées par de nombreux services internationaux, en particulier aux États-Unis et au Canada (qui ont notamment entraîné dans ces pays un investissement massif des pouvoirs publics dans l'éducation intensive précoce afin à la fois de d'améliorer le pronostic des enfants et, corollairement, de réduire le cours social ultérieur de la prise en charge.)

 

Par prise en charge éducative intensive précoce, il faut entendre une prise en charge de « un pour un » (un éducateur pour un enfant) de 25 à 30 heures par semaine, dédiée à l'apprentissage de l'attention, de l'imitation, de la communication et à la réduction de l'apparition des problèmes de comportement. Ces apprentissages s'appuient sur le travail de développement cognitif des programmes de type A.B.A (Analyse Appliquée du Comportement).

La situation actuelle en France :

A ce jour la France ne dispose, d'aucun réseau de prise en charge éducative intensive précoce à l’exception d’un projet expérimental à Toulouse (piloté par le Professeur Bernadette Rogé) et d’initiatives privées. Les CAMPS ( Centre d’Action Médico-Sociale Précoce ) , extrêmement dispersés sur le territoire, ne reçoivent les enfants que quelques heures par semaine, et ne disposent ni des moyens, ni des compétences -- ni souvent de la volonté, de mettre en place ce type d’interventions. Il en résulte donc à la fois pour les familles et pour la collectivité nationale un déficit d'action qui entraîne à terme un coût social, psychologique et financier considérable. Nos associations ont commencé à mettre en place des systèmes d'intervention à domicile dans le cas d'un accord d’embauche d'auxiliaires de vie sociale ou de TISF (techniciennes en intervention sociale et familiale).

Malheureusement, l'impossibilité de faire entrer ce projet dans un des « schémas » financés soit par l'Education Nationale soit par l'assurance maladie rend aléatoire la poursuite de l’expérience.

Autisme France demande

  •  Que, conformément aux recommandations de l’INSERM, et du plan autisme 2008-2010 la nécessité d'une prise en charge intensive éducative précoce soit reconnue comme une priorité
  • Qu’un plan de formation des intervenants à la pratique de ce type de prise en charge soit rapidement mis en place
  • Que des équipes d'intervention de type SESSAD spécialisé dans la prise en charge précoce ou des dispositifs plus souples d’aide à domicile, puissent être constitués et financés autant que de besoin,
  • Que les interventions de ces professionnels puissent avoir lieu aussi bien au domicile des parents que dans les crèches, dans l'école maternelle ou dans les autres lieux de vie de l’enfant, afin de s’adapter le mieux possible au niveau des enfants.

Autisme France rappelle que si ce type d'intervention peut être réalisé dans le cadre de dispositifs d’aide à domicile, les coûts de fonctionnement se limiteront à la rémunération du personnel et qu'il est raisonnable, suivant les modèles constatés aussi bien aux États-Unis qu’au Canada, d’évaluer le coût de revient de l'intervention pour chaque enfant à une somme au plus égale aux prix de journée d'IME.

Le coût relativement important de l'investissement initial est sans commune mesure avec l'économie réalisée aussi bien au plan social, familial que financier par la collectivité nationale à l'adolescence et à l'âge adulte.

2 - Assurer un accès à l’éducation et à la scolarisation pour tous les enfants à partir de 3 ans et jusqu’à 16 ans, voire au-delà, comme pour tout enfant, si cela leur est profitable.

L'accès gratuit et obligatoire à l'éducation et à la scolarisation pour les enfants jusqu'à seize ans est un des fondements de notre République. Il ambitionne de permettre à tous les enfants d’acquérir les bases nécessaires à une vie d’adulte autonome et responsable, «d’égaliser les chances » par sa gratuité et d’enseigner la tolérance.

Ces ambitions s’appliquent aussi aux enfants porteurs de handicap. La France, par sa Constitution, ses Lois et ses engagements internationaux en particulier européens (elle doit respecter la Charte Sociale Européenne) proclame un refus de toute discrimination et un engagement solidaire de la nation envers les personnes porteuses de handicaps. Elle s’est engagée à prendre les mesures nécessaires pour fournir à celles-ci une orientation, une éducation et une formation professionnelle dans le cadre du droit commun chaque fois que cela est possible ou, si tel n'est pas le cas, par le biais d'institutions spécialisées publiques ou privées.

Il s'agit là d'une « obligation de résultat » pour l'Etat envers tous les enfants porteurs d’autisme. Soit il est capable d'assurer cette éducation dans le cadre des structures de service public, soit il doit financer l'intégralité du service dans des structures privées et en garantir la qualité, qu’il s’agisse d'écoles où d’instituts spécialisés.

En fonction de la règle de la liberté prévue par la loi Debré, le libre choix entre le public et le privé devrait pouvoir dans tous les cas être exercé.

Cet accès à l’éducation est fondamental pour l’enfant avec autisme. En raison de la nature même de son handicap et de son incapacité à apprendre tout seul, sa possibilité d’accès à une autonomie à l’âge adulte dépendra de ce qu’on lui a enseigné. En particulier, l’apprentissage d’un mode de communication et de la compréhension des règles sociales, adaptés au niveau de l’enfant – et du futur adulte - sont fondamentaux pour éviter l’apparition de comportements inadaptés.

Cela doit comprendre, une éducation à l'autonomie, à la communication, aux comportements sociaux, à la relation sociale, en plus des apprentissages cognitifs et scolaires.

Tout enfant atteint d’autisme doit avoir droit à une éducation dont la durée annuelle doit être au moins égale à celle des enfants ordinaires à laquelle s'ajoute un droit à compensation lié à ce handicap.

En outre l’intérêt de la présence de pairs sans handicap dans l’éducation des enfants avec autisme a été largement démontré. Quel que soit leur niveau, ils bénéficient positivement de l’interaction avec d’autres enfants dans la mesure où les processus d’intégration tiennent compte de leurs compétences. De plus les enfants ordinaires, adultes et décideurs de demain, seront mieux préparés à faciliter l'insertion dans la société des personnes avec autisme devenues adultes.

La situation actuelle en France :

La situation en France telle qu’elle ressort des enquêtes menées et en cours par notre association, recouvre une réalité double : insuffisance de places et insuffisance d'éducation. L'insuffisance de places, c'est un nombre important d'enfants avec autisme qui ne sont accueillis dans aucune structure. La situation varie considérablement d'un département à l’autre, mais globalement dans les départements à forte population ou à forte croissance de population (région PACA, région Rhône-Alpes, Région Parisienne, Midi Pyrénées etc.) la situation est critique. Globalement, d'après des études réalisées en comparant le taux de prévalence et le nombre de places déclarées ouvertes par les services publics, il manque plus de 10.000 places pour enfants. Notre participation aux MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) nous permet de relever de graves dysfonctionnements et disparités d’un département à l’autre : inégalité dans l’accès à la scolarité, aux

compléments d’AEEH, à la carte d’invalidité au taux de 80 %, dans la mise à disposition d’ AVS.

Il ne s’agit pas forcément de dépenser plus, même s’il y a un manque cruel de places, mais d’avoir le courage politique de "dépsychiatriser" ce handicap, et donc de redéployer les budgets du secteur sanitaire vers d'autres postes...

L’insuffisance d'éducation signifie que les « places » d’accueil des enfants avec autisme sont le plus souvent totalement inadaptées à leur éducation. Seuls 19 % de ceux qui ont « une place » sont scolarisés en classe ordinaire ou adaptée, et parmi eux, 35 % sont accueillis à temps partiel. 25 % n’ont pas d'autre place d’accueil que les hôpitaux de jour qui sont à la fois à temps très partiels, dans la moitié des cas, et sans réelle action éducative (leur vocation principale étant le soin, or l'autisme ne se soigne pas) et de très rares actions scolaires. Finalement 56 % sont accueillis en IME (dont 30 % à temps partiel), la plupart du temps sans que les éducateurs aient reçu une formation adaptée et sans que l’Education Nationale ait délégué d’enseignant ("Enquête « autisme France 2003").

Une des raisons de cette sévère insuffisance éducative est la situation de ségrégation dans laquelle se trouvent les enfants porteurs de handicap. Leur éducation ne relève pas du Ministère de l’Education Nationale – et donc du budget général de l’Etat et des collectivités publiques, mais du budget de la Sécurité Sociale qui n’est pas défini en fonction des besoins, mais d’un objectif de dépenses.

Autisme France demande :

  •  Que le droit à l’éducation et à l’apprentissage scolaire soit reconnu pour tous les enfants avec autisme ou TED et que l’obligation de résultat qui résulte de ce droit s’impose à toutes les administrations, sans exception
  • Que la durée de l’intervention éducative à laquelle ont droit les enfants porteurs d’autisme ne soit jamais inférieure à celle qui est accordée aux enfants sans handicap du même âge, et qu'elle soit accrue du droit à l’intervention spécialisée nécessaire.
  • Que tout soit mis en oeuvre pour que l’accompagnement ou l’action de l’éducation spécialisée, quand ils sont nécessaires, puissent avoir lieu dans l’école de secteur, puisque la loi définit que le lieu naturel de l’éducation est l’école
  • Que le droit à l’éducation soit toujours tenté en milieu ordinaire avant d'envisager le milieu spécialisé
  • Que la constatation par l’école de son incapacité à scolariser un enfant soit toujours accompagnée de la mise à la disposition de l’enfant du budget nécessaire à son accueil dans un dispositif librement choisi par les parents. En particulier les différentes formes de prise en charge (psychologues comportementalistes, ergothérapeutes, orthophonistes…) doivent être correctement remboursées aux familles.

3 – La préparation à la vie adulte : 16 ans et plus

La préparation à la vie adulte est un autre point clé pour les personnes avec autisme. D'une part, il est indispensable de leur donner les moyens de continuer d'acquérir les compétences sociales et de communication qui leur font encore défaut. D'autre part, il faut tenir compte des difficultés de transition que peut signifier, pour une personne atteinte d'autisme, ce passage à l'âge adulte, aussi bien au niveau de ses comportements que de ses relations. Enfin, dans un projet de vie adulte digne, il faut lui donner les moyens de l'apprentissage de l'autonomie individuelle et du travail, le droit d’avoir son propre logement avec un accompagnement si nécessaire.

La limite de 16 ans, pour l'obligation scolaire, n'a bien entendu aucun sens pour des adolescents, qui en raison de leur handicap, ont spécifiquement des difficultés d'apprentissage. En effet, cette limite, dont l'objet est d'amener les enfants vers un degré d'autonomie suffisant pour conduire une vie d'adulte, doit être comprise dans sa signification et non dans sa forme. Il faut donc faire évoluer les législations de façon à ce que l'engagement de la nation pour les personnes porteuses de handicap tienne réellement compte de leurs difficultés spécifiques.

Cet âge pré-adulte est aussi souvent celui des difficultés familiales. L’enfant TED a grandi, certaines de ses difficultés de comportement qui pouvaient être anodines dans l'enfance deviennent réellement gênantes, voire dangereuses. L'entourage familial proche est souvent épuisé et peine « à le maîtriser » dans tous les sens du terme, et cet ensemble de facteurs est susceptible d'entraîner des plus graves difficultés. Il faut impérativement que ces situations puissent être apaisées par des solutions d'internat provisoire dont l'objet serait à la fois de préparer la vie adulte et de créer les nécessaires espaces de répit pour la famille.

Le concept de travail est lui aussi essentiel. Dans notre société il est le fondement de l'autonomie et, même s'il est évident que nombre de personnes avec autisme ne pourront jamais être « rentables » dans un cadre économique non protégé, il n'en demeure pas moins qu'une participation à une activité productive, quelle qu'en soit le niveau, transforme fondamentalement le regard porté par la société sur sur la personne porteuse de handicap, et sa propre estime de soi. L'apprentissage d'un métier est un axe fondamental, que ce soit dans le cadre du droit commun quand cela est possible, ou au travers d'institutions spécialisées dans les autres cas.

La situation actuelle en France :

La situation des personnes avec autisme de cette tranche d'âge, est souvent extrêmement difficile. Le nombre de grands adolescents qui suivent un cursus scolaire dans le cadre du droit commun est infime et l'accueil se fait traditionnellement en instituts médico-éducatifs, non spécialisés pour la plupart. La très grande majorité n'a pas accès aux services d'apprentissage professionnel (IMPros ou autres) et se contente d'activités occupationnelles dans l'attente d'une place -- qui tarde généralement à venir -- dans un établissement pour adultes. La conséquence en est que moins de 7 % des adultes autistes ont accès à des ESAT (Etablissement de Soutien et d’Aide par le Travail) spécifiques.

C'est aussi l'âge où le risque de comportements inadaptés est le plus important et où l'on rencontre le plus grand nombre d'hospitalisations psychiatriques. L'absence de structures d'accueil temporaire de type internat provisoire rend impossible une gestion éducative des crises. Celles-ci se terminent malheureusement beaucoup trop souvent par des catastrophes, aussi bien pour la personne avec autisme, qui aura beaucoup de mal à sortir du cadre hospitalier et subira des traitements médicamenteux nocifs à sa santé, que pour sa famille. Celle-ci ne pourra se remettre qu’avec beaucoup de difficultés de ce qu'elle considérera comme un échec dont elle est responsable.

Autisme France demande :

  • Que le droit à l’éducation et à la scolarisation soit prolongé au-delà de 16 ans par des dispositions législatives au titre de la compensation du handicap
  • Que le droit à une formation professionnelle dans le cadre du droit commun chaque fois que possible ou, si tel n'est pas le cas, par le biais de services ou dispositifs spécifiquement adaptés à l’autisme et aux TED soit reconnu et mis en pratique
  • Que le droit à un accueil en internat pour les situations familiales difficiles soit reconnu et mis en pratique

4 – la vie adulte

L’âge adulte correspond pour toute personne au passage à l’autonomie et se traduit par un certain nombre de « choix de vie », parmi lesquels une activité professionnelle, un logement, des loisirs, des relations etc. Les personnes atteintes d’autisme, quel que soit leur niveau, ont ces aspirations.

Bien entendu, comme pour chacun, ces aspirations sont limitées par des contraintes de tous ordres, telles que le niveau de revenu, la compétence professionnelle etc.

La conception des lieux de vie doit s'appuyer sur un projet qui respecte des objectifs ajustés à chacun.

La formule institutionnelle qui, avec le vieillissement des parents, devient à terme la solution, doit pouvoir être modulée en fonction du degré d'autonomie de chacun. Les petites unités sous forme de maisons où la vie peut s'organiser en groupes encadrés par des professionnels représente la modalité la plus respectueuse de la personne et de ses besoins. Elle permet en effet la participation de la personne en fonction des ses capacités à l'organisation et la gestion de la vie quotidienne tout en bénéficiant d'une assistance qualifiée. Elle permet une ouverture sur la communauté sociale, et l'établissement de liens fonctionnels au travers des nécessités de la vie quotidienne et des activités culturelles et de loisir. Cette formule permet aux personnes de tout niveau d'autonomie de vivre au sein d'un groupe dont la dimension correspond à celle d'une famille et d'établir des liens et des repères sociaux très structurants.

L'accompagnement et le tutorat permettent aussi aux personnes avec autisme suffisamment

autonomes de conquérir leur indépendance en résidant dans leur propre appartement et en accédant à l'emploi. Cette possibilité dépend beaucoup de l'appui apporté par les familles et l'avenir doit être préparé avec la mise en place d'équipes de soutien permettant la poursuite de ce mode de vie après la disparition des parents. Pour certaines familles, le maintien à domicile représente un choix qu'il convient de respecter tout en apportant l'aide nécessaire à la viabilité du projet dans le présent et au passage progressif à une formule plus institutionnelle en fonction du vieillissement de la personne elle-même et de ses parents. Quelles que soient les modalités retenues, le maintien des liens familiaux et amicaux est essentiel et doit faire l'objet d'une attention toute particulière.

Pour les adultes avec autisme, le prolongement de l'éducation correspond à une nécessité car leur développement se poursuit et des progrès significatifs sont encore enregistrés. Il faut maintenir à l’âge adulte le droit à l’éducation et à l’instruction pour permettre aux personnes atteintes d’autisme de conserver et développer leurs acquis antérieurs (notamment scolaires) et d’améliorer leur autonomie.

La poursuite des apprentissages doit également toucher les activités de la vie quotidienne, des tâches à caractère professionnel et des activités culturelles et de loisir. L'objectif est toujours de permettre l'épanouissement, le travail étant un moyen de faire accéder la personne à une activité qui l’intéresse, lui procure le sentiment d’être utile et lui permette de développer des contacts avec d'autres personnes porteuses ou non de handicaps.

La situation actuelle en France

A l'heure actuelle, la situation des adultes porteurs d’autisme se caractérise par un manque

dramatique de places d'accueil, ce qui entraîne les flux bien connus de départs vers la Belgique, ou le maintien à la maison dans des situations extrêmement périlleuses pour la famille vieillissante, ou « l'accueil » de nombreux adultes avec autisme en service fermé de psychiatrie, et, pour ceux qui bénéficient d'une place d'accueil dans des structures de type Foyer d’Accueil Médicalisé (FAM) ou Maison d'Accueil Spécialisée (MAS) ou foyer de vie, des projets de vie le plus souvent strictement « occupationnels » ; ces projets, pas construits sur le handicap autistique, sans évaluation ni mise en oeuvre de stratégies éducatives adaptées, ne permettent aucune amélioration de l'autonomie de la

personne avec autisme.

Quant à la participation au travail elle est quasiment anecdotique, nos enquêtes montrent que seuls 6 à 7 % des adultes autistes bénéficient d’un travail en ESAT et la logique du « travail aidé » (Job coaching) est totalement étrangère au système français. Un nombre important d’adultes avec autisme est maintenu en établissements pour enfants (amendement « Creton ») faute de places dans les établissements adaptés.

En dépit des politiques volontaristes mises en place par Simone Veil et le plan autisme 2005-2007, le nombre de places réellement créées pour combler le déficit reste très faible. Le modèle actuel, combinant une logique d'enveloppes fermées (budget de la sécurité sociale limité par des objectifs de dépenses, enveloppes des départements), une forte rigidité de la définition des établissements pour personnes porteuses de handicaps, et une ambiguïté sur les rôles respectifs de l'Etat et des départements, ne peut permettre d'envisager une solution des problèmes que dans plus d'un siècle !

En fait, la collectivité nationale ne s’est pas donné d'obligation d'assumer l'aide aux personnes en situation de handicap au-delà du versement d'une allocation d'adulte handicapé. Cela ne signifie pas qu'aucune personne avec un handicap ne bénéficie d'un service complet, car il existe des établissements en France (MAS, FAM) qui assurent une partie de la couverture de ces besoins. En revanche, l'Etat n’a aucune obligation de résultat pour faire en sorte que chaque adulte porteur d’un handicap dispose d'une place. De plus, il n'existe pas non plus d'obligation pour lesdits établissements d'accueillir les personnes qui sont orientées vers eux. Dans la pratique, la pénurie de places engendrée par ce système amène à une exclusion systématique des personnes les plus handicapées ou aux comportements les plus dérangeants.

Autisme France demande :

  • Que le droit à l’éducation et à la formation professionnelle soit prolongé au-delà de 20 ans par des dispositions législatives au titre de la compensation du handicap
  • Que le droit à un accueil et à une activité correspondant à leurs capacités soit reconnu pour tous les adultes avec autisme qui ne disposent pas de l’autonomie nécessaire à une vie indépendante, et que l’obligation de résultat qui découle de ce droit s’impose à toutes les administrations, sans exception
  • Que l’adulte autiste susceptible de devenir autonome ait droit à un logement individuel avec l’accompagnement nécessaire, dans des dispositifs d’accompagnement innovants, adaptés à l’autisme, au sein de petites unités, par exemple des maisons-relais
  • Que corollairement à ce principe un plan de rattrapage sur 5 ans soit mis en place et financé
  • Que les services de « travail aidé » (job coaching) soient validés et financés autant que de besoin
  • Qu’un plan de création d’ ESAT spécialisés ou adaptés au syndrome autistique soit élaboré et financé.

5 - Assurer une formation adaptée aux professionnels et aux parents

Le travail d’éducation des personnes avec autisme ou atteintes de troubles envahissants du

développement exige une compétence spécifique en raison du « style cognitif » particulier de ces enfants. Leur capacité à apprendre est indéniable quelle que soit l’importance du handicap, mais les modes d’apprentissage sont complexes et nécessitent de la part du professionnel une adaptation permanente et une parfaite compréhension des processus cognitifs. Très simplement, le professionnel doit être un enseignant spécialisé au sens fort de ces deux termes : un enseignant car sa mission doit clairement être de transmettre un savoir (par opposition à une supposée émergence d’un désir), spécialisé, car il doit posséder les compétences nécessaires pour les handicaps concernés et sur les stratégies d’apprentissage adaptées. Une telle profession s’intitule en Belgique « orthopédagogue » :

ce terme exprime parfaitement la fonction.

La situation actuelle en France :

Le problème de la formation des professionnels chargés de l'éducation, de l'accompagnement, et de l'accueil des personnes avec autisme quel que soit leur âge pose de graves problèmes en France. En fait, dans la pratique, il n'existe aucune formation initiale permettant de créer un corps d'enseignants spécialisés compétents en matière d'éducation des enfants atteints de troubles envahissants du développement et de troubles du processus cognitif inhérents à ce syndrome. Les formations actuelles d'éducateurs spécialisés, dont il est bien connu qu’ils ne sont spécialisés en rien, sont totalement inadaptées à ce projet. Il est tout à fait inimaginable de vouloir obtenir à la sortie d'un même cursus des éducateurs capables à la fois d'aborder des problèmes de relations, d'intégration de personnes en difficulté sociale, d'éducation des troubles du caractère, d'éducation du handicap

mental, et ceux des difficultés cognitives telles que celles rencontrées dans l'autisme.

Autisme France demande :

  • La mise en place d’un cursus universitaire (bac + 4) de formation à la profession d’orthopédagogue
  • La création de cursus de 3ème cycle d’orthopédagogie susceptible d’ouvrir la voie à une spécialisation en fonction des handicaps et à une recherche effective en matière d’enseignement spécialisé.
  • La mise en place de modules de formation accessibles et gratuits pour les parents
  • La transformation et l’enrichissement des formations existantes : éducateurs, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues, en tenant compte des apports de la psychologie comportementale, des travaux et expériences menés avec succès en France et à l’étranger….

En outre, Autisme France exige que toute mise en oeuvre de services ou dispositifs à destination des personnes avec autisme, du diagnostic à l’accompagnement, soit conçue en partenariat avec les usagers et/ou leurs représentants comme Autisme France.

Janvier 2009